Complémentarités territoriales

 

La future région Languedoc-Roussillon/Midi-Pyrénées bénéficie d’une irradiation solaire moyenne d’environ 1 550 kWh/mètre carré/an, avec un pic haut de 1 700 kWh/m2/an sur les hauteurs de la Cerdagne et un minimum de 1 250 kWh/m2/an sur les contreforts des Pyrénées exposés au Nord en région Midi-Pyrénées.

Cela signifie concrètement qu’une installation photovoltaïque installée sous nos latitudes recevra une irradiation moyenne de 1 550 kWh/m2/an, et convertira en énergie électrique (kWh) un pourcentage de cette irradiation, car toute installation génère malgré tout quelques pertes.
La production d’une installation photovoltaïque est donnée par l’équation suivante :

Eélec = Hi x S x η

avec
math2•   Eélec [kWh/an] : énergie électrique produite en sortie du système sur un an

•   Hi [kWh/m2.an] : irradiation globale reçue dans le plan des modules sur 1m2 pendant un an.

•   S [m2] : surface du champ des modules photovoltaïques

•   η : rendement global du système

Ainsi, si on prend la centrale photovoltaïque d’Ortaffa (66560) pour exemple, on sait que :

  • la production d’énergie électrique est d’environ 35 millions de kWh/an,
  • la superficie des panneaux est de 250 000 m2,
  • l’irradiation globale reçue annuellement par m2 est de 1 550 kWh/m2/an

on en déduit que le rendement de l’installation est de +/- :

Eélec = Hi x S x η

⇔ 35 000 000= 1550 x 250 000 x Rdt ⇔ Rdt= 35 000 000/ (1550x 250 000) ⇔

35 000 000 / 387 500 000 = 0,09 soit 9%

Si l’on sait que la consommation d’énergie électrique globale annuelle d’un foyer (base INSEE) se situe à 5 500 kWh/an, cela revient à dire que la centrale photovoltaïque d’Ortaffa, d’une puissance de 25 MWc (mégawatts crête) alimente en énergie totale environ 6 400 foyers, soit plus de 15 000 habitants, pour une superficie impactée par les panneaux de 25 hectares, soit 3 % de la superficie de la Commune (8,5 km2 ou 850 ha) !

lumieres

Si on fait une projection sur les besoins totaux en énergie électrique des habitants de la Communauté de Communes de la Côte Vermeille, qui regroupe 54 614 habitant pour 292 km2 (29 200 hectares), avec la même technologie qu’à Ortaffa, ils pourraient être fournis en totalité par une ou plusieurs centrales photovoltaïques locales dont les panneaux couvriraient en totalité environ 90 hectares pour une puissance crête de 90 MWc (54 614/15 000)x25 MWc= 91 MWc, soit 0, 3 % de la superficie du territoire.

En extrapolant, la future grande région Languedoc Roussillon/ Midi Pyrénées, forte de ses 5,8 millions d’habitants et de sa superficie de 72 724 km2, devrait consacrer, avec la même technologie qu’à Ortaffa, 9700 hectares (97 km2), soit 0,13 % de la superficie de son territoire à l’installation de panneaux photovoltaïques pour satisfaire la consommation totale de tous ses habitants.

Il faut ici préciser que la technologie utilisée à Ortaffa, a bénéficié et continue à bénéficier, comme toutes les autres technologies photovoltaïques, d’améliorations sensibles du rendement des panneaux, ce qui fait que les superficies d’implantation nécessaire aujourd’hui seront forcément réduites demain.

Ainsi, au niveau Français, on peut estimer que la consommation annuelle totale d’énergie électrique (habitants+industries+services) qui est actuellement d’environ 460 TWh (Téra watt-heure) pourrait être assurée par des centrales photovoltaïques d’une puissance totale de 315 GWc installées sur la partie Sud de la France et avec une superficie de panneaux PV de technologie 2015 de 210 000 hectares, soit 2 100km2 (2015 : puissance crête moyenne des panneaux photovoltaïque au m2 = 150 Wc , soit 1,5 MWc/ha); si on compare ce chiffre à la superficie de la grande région Languedoc-Roussillon / Midi Pyrénées, cela représente 2,9 % de sa superficie !!!

Certains diront : mais la production d’énergie photovoltaïque est cyclique, elle ne se produit que dans la journée et pas la nuit, alors que les besoins en électricité sont permanents ; à cela nous pouvons désormais répondre :

  • Les technologies de stockage de l’énergie photovoltaïque produite le jour sont désormais en phase industrielle et déjà distribuées dans certains pays pour ce qui concerne l’habitat, et le seront d’ici de très courtes années pour tout ce qui touche à l’industrie et aux services dans le monde entier.
  • A l’énergie photovoltaïque se rajoutent toutes les autres énergies renouvelables, qui ont l’avantage d’être moins cycliques, ou dont les cycles de production se chevauchent et donnent une cohérence économique à l’électricité d’origine renouvelable ; on peut citer, pour notre région, les forts gisements d’énergie issus de la forêt et des sous produits agricoles (biomasse), la géothermie, l’hydro-électricité, l’éolien, les pompes à chaleur etc…
  • Les ENR ne contribuent pas ou très peu au réchauffement climatique, engendré par la consommation des énergies fossiles ; ce dégagement de CO2 , généré par la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole etc…) est entrain de créer des problèmes considérables au niveau environnemental et agricole dans notre région viticole ; par exemple et uniquement en ce qui concerne la viticulture :

Suite à la mévente et à crise qualitative des Vins dans les années 1980, toute la région Languedoc-Roussillon s’est attelée à adapter à son Terroir de qualité des cépages qui y étaient adaptés, mais que la révolution industrielle du XIX éme siècle avait repoussé dans d’autres régions viticoles, leur préférant, pour des raisons purement économiques, des cépages très productif d’un Vin de piètre qualité ; les Vignerons du Sud de la France ont donc remplacé les cépages plantés à cette époque (Carignan, Aramon, hybrides divers) par des cépages dits « nobles » (Syrah, Grenache, Mourvèdre en particulier pour les AOP et Merlot, Cabernet Sauvignon, Chardonnay, Sauvignon Blanc en particulier pour les Vins de Pays); ainsi, une véritable révolution qualitative s’est opérée et a été reconnue et appréciée par le marché international ; nous avons obtenu nos lettres de noblesse dès le début des années 2000, où tous les professionnels du Vin ont unanimement considéré notre région comme un territoire émergeant en terme de qualité.

cepage

Cependant, ces cépages nobles, qui permettaient d’obtenir un Vin au parfait équilibre il y a peu sont aujourd’hui directement menacés par le réchauffement climatique ; en effet, un cépage Syrah se récoltait dans les années 2000 vers le 10 septembre à 12,5/ 13° d’alcool en puissance, il était alors à une maturité parfaite : équilibre sucres / acidité, parfaite maturité phénolique*

*Les composés phénoliques sont concentrés pour l’essentiel dans les pépins et la pellicule :

pépins (64 %) > pellicule (30 %) > jus et pulpe (6 %)

raisinsLa maturité phénolique se détecte surtout par la dégustation des baies à l’approche de la maturité, elle permet de déterminer la bonne date des vendanges sans se fier uniquement à l’équilibre sucres/acidité. Cela évite de récolter des raisins qui donneront un vin astringent, car une maturité phénolique insuffisante d’un raisin fera que sa pellicule et ses pépins, mélangés durant la fermentation au moût, donnera au Vin des goûts acerbes et durs.

Pour information, les composés phénoliques du Vin sont :

    • Les tanins condensés (ou proanthocyanidols) des pépins sont extraits lors de la macération. Ils fournissent au Vin son caractère tannique, astringent, « charpenté ».

 

    • Les anthocyanes (ou anthocyanosides) sont des pigments colorés situés dans la pellicule de la baie du raisin noir. Ils sont responsables des couleurs rouge-rubis-pourpre du raisin et du vin. Ils sont formés par glucosidation de 5 anthocyanidols instables : malvidol, delphinidol, pétunidol, paeonidol et cyanidol (aglycone + 1 ou 2 molécules de glucose). Ils peuvent ensuite être estérifiés par l’acide coumarique ou acétique. Il a été détecté une trentaine d’anthocyanosides stables dans le raisin et le vin.

 

  • Les flavonols qui jouent un rôle de protection contre les rayons UV se trouvent dans la pellicule des baies. Ils se rencontrent principalement sous forme glucosidés.

Or depuis quelques années, à cause justement du réchauffement climatique, nous avons moins de précipitations (plus courtes et violentes aussi) et de fortes chaleurs, et ce dès le début de la période végétative de la vigne, qui s’étale d’avril à Octobre. Cela provoque une forte disparité entre la maturité alcoolique et la maturité phénolique. Il est maintenant courant de devoir attendre pour vendanger un degré potentiel d’alcool en puissance de 15° AP pour obtenir en même temps une maturité phénolique correcte ; il en résulte des Vins déséquilibrés, trop riches en alcool, chauds, avec une acidité trop faible pour en assurer une bonne conservation. Et le phénomène va en s’empirant d’année en année ; ainsi, pour les récoltes 2014 et 2015 dans notre département des Pyrénées-Orientales, il n’était pas rare de voir des raisins de Syrah dépasser allègrement les 16° d’alcool en puissance… et ce dès la mi-septembre. Alors que ces degrés potentiels sont d’habitude l’apanage des cépages Grenaches et Muscats, sur les Terroirs de Vin Doux Naturels que sont les vallons de Rivesaltes ou les terrasses de Banyuls !

questionQue devrions nous faire ?

Entamer une deuxième campagne « d’adaptation du vignoble » au réchauffement climatique, en remplaçant nos cépages qualitatifs par d’autres variétés en provenance du Liban, de Chypre, de Sicile ou du Maghreb ? Cela durerait au minimum 35 ans de plus et finirait par détruire notre patrimoine viticole, construit et porté par toute une génération de Vignerons, qui plus est à grands renforts de subventions Européennes.

Non, nous devons lutter ensemble contre ce fléau qu’est le réchauffement climatique en utilisant dès à présent les complémentarités existantes entre les Énergies Renouvelables (ENR) et l’Agriculture sans pour autant envisager de détruire ce que nous avons mis 35 ans à construire.

Dans le même temps, suite à ce changement climatique et aux nouvelles contraintes culturales qu’il engendre, aggravé par une réglementation Européenne très éloignée des préoccupations du monde rural, les friches sur les superficies agricoles ne cessent d’augmenter ; en particulier sur notre territoire frontalier, ce qui a entrainé, au niveau régional :

  • une crise de vocation des jeunes à s’installer en agriculture et faire vivre les territoires
  • un arrachage massif des vignobles, des vergers et des superficies maraîchères, dû à l’apparition de parasites et de maladies virales et leur propagation, faute à des moyens couteux et nécessaires pour les endiguer (Sharka sur les vergers, flavescence dorée sur le vignoble pour n’en citer que 2)

Il est temps de se poser les bonnes questions : l’agriculteur ayant de plus en plus de mal de se rémunérer par la valorisation réelle de ses productions livrées à un marché mondialisé forcément inéquitable, ne serait-il pas temps de lui offrir la possibilité d’une coexistence entre ses cultures et les énergies renouvelables ? Il y a urgence, car il est à la fois garant de la durabilité de nos paysages et de notre patrimoine culturel.

eurosCertains diront : mais nous avons assez de superficies potentielles pour installer les énergies photovoltaïque sur les toitures, sauf que le coût du photovoltaïque en toiture est et restera, pour des questions techniques, au moins 30 à 40 % plus cher que le photovoltaïque au sol. Et que le photovoltaïque au sol est dès à présent économiquement très proche de la « parité réseau » ; c’est à dire que le coût de l’énergie pour le contribuable ne sera pas plus cher s’il s’alimente en énergie électrique issu d’une centrale solaire ou d’une centrale nucléaire, le danger en moins.

Il fut une époque ou pour réguler la maturité des vignes et ne pas mettre « tous ses œufs dans le même panier », adage rural par excellence, l’agriculteur intercalait des arbres fruitiers au cœur des vignes, elles-mêmes étant panachées entre différents cépages pour uniformiser leur maturité et pallier aux aléas climatiques affectant par année certains cépages et non d’autres.

Sans vouloir révolutionner le monde agricole, il y a aujourd’hui des systèmes d’énergies renouvelables aptes à être installés dans les parcelles cultivées, ce qui pourrait procurer à l’exploitant une régulation de la maturité de ses récoltes ainsi qu’une augmentation de son revenu, seule source réelle d’investissement et de pérennisation de son exploitation. Cette augmentation de revenu à l’hectare lui permettrait d’embaucher pour se consacrer d’avantage à la valorisation de sa production. Cette évolution permettrait de pérenniser la notoriété de nos Terroirs que nous avons mis 35 ans à construire ; nous nous opposons au fait que le réchauffement climatique nous obligerait à abandonner l’excellente adaptation de nos cépages nobles à notre merveilleux Terroir au profit de régions viticoles plus septentrionales, à supposer qu’elles soient d’accord pour abandonner, en Bourgogne, leur Pinot au profit de la Syrah, en Champagne leur Chardonnay et leur Pinot Meunier par nos Marsanne, Grenache blanc et noir.

Cela n’aurait plus aucun sens, toutes les régions viticoles, confrontées au même problème, en perdrait leur identité, car la force et la notoriété du Vin Français s’appuie sur la corrélation entre un territoire et les cépages qui y sont cultivés. En France, le Terroir est mis en avant, pas le(s) cépage(s) qui y est (sont) cultivé(s) ; ainsi on ne dit pas :

  • Grenache , mais Banyuls,
  • Pinot Meunier ou Chardonnay, mais Champagne,
  • Merlot ou Cabernet Sauvignon, mais Bordeaux,
  • Pinot, mais Bourgogne
  • Sauvignon Blanc, mais Touraine
  • Cabernet Franc mais Saumur-Champigny
  • Syrah-grenache Mourvèdre mais Roussillon, ou Languedoc
  • Syrah, mais Côtes du Rhône Côte-Rotie
  • Mourvèdre mais Bandol

Et pour finir, on ne dit pas grenache (Noir, Gris, Blanc), syrah, mourvèdre, cinsault, clairette (blanche, rose),  vaccarèse, bourboulenc, roussanne, counoise, muscardin, picpoul (blanc, gris, noir), picardan, et terret noir, mais Chateauneuf du Pape,

Cette liste est bien sûr incomplète, mais toute la richesse et la notoriété du Vin Français vient de cette démarche complexe qui allie les qualités d’un Terroir, d’un climat, à celle d’un ou plusieurs cépages. On nous reconnaît cet élitisme, et il fait notre richesse nationale, au même titre que notre aéronautique ou notre tourisme.

Ne pas prendre ce problème en considération reviendrait à perdre la notion même de Terroir et d’AOC, et donc de se voir confronté, pour le Vin comme pour le reste de notre économie, à une concurrence mondiale nivelée par le bas et la simplification à outrance, pour le seul bien des multinationales agro-alimentaires, mais certainement pas pour la culture ni le goût.

Revenons à plus de logique et de pragmatisme, ne mettons pas tous nos œufs dans le même panier, pour lutter contre le changement climatique et assurer le bien-vivre des générations futures.

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